THÉORIE STANDARD ÉTENDUE

THÉORIE STANDARD ÉTENDUE
THÉORIE STANDARD ÉTENDUE

THÉORIE STANDARD ÉTENDUE

Dans le cadre général de la grammaire générative, on peut caractériser de façon informelle la théorie standard étendue comme un effort visant à rendre aussi spécifiques et restrictifs que possible les outils descriptifs mis à la disposition du linguiste dans sa tâche d’analyse des différentes langues naturelles. Ainsi, par rapport à la théorie standard de la grammaire générative, représentée par exemple par le livre de Noam Chomsky, Aspects de la théorie syntaxique , la théorie standard étendue restreint la richesse descriptive des transformations et, corrélativement, accorde une grande attention à des contraintes et conditions universelles qui régissent les transformations et les règles sémantiques. Considérons par exemple la phrase:

(1) Pierre semble avoir compris le problème.

Si, comme les grammairiens classiques, on pose que Pierre dans (1) est le sujet «logique» de la phrase infinitivale avoir compris le problème , on peut en grammaire transformationnelle donner un contenu précis à cette notion en disant que Pierre a été «monté» en position sujet à partir de sa position dans (2):

(2) semble Pierre avoir compris le problème.

Cette opération de «montée» est une transformation de mouvement. Dans le cadre de la théorie standard, sa formalisation requiert un grand nombre de spécifications: il doit être indiqué que seul le sujet peut être ainsi déplacé, que ce déplacement ne peut avoir lieu que dans les infinitives, etc. Dans ces conditions, la formalisation de la transformation de «montée» doit avoir recours à l’ensemble des conditions d’analysibilité booléenne (utilisation des quantificateurs «tout», «il existe», de la négation, des connecteurs et et ou ). De plus, cette transformation doit être ordonnée par rapport à d’autres transformations définissables sur la structure sous-jacente aux suites comme (2). Par exemple, «montée» doit prendre effet après la règle qui déplace les quantificateurs comme tous dans (3) à partir de (4):

(3) Pierre a tous voulu les lire (voulu tous les lire).

(4) Pierre a voulu les lire tous.

Cela assurera que cette dernière transformation ne peut donner (5):

(5) Pierre m’a tous semblé vouloir les lire.

En effet, si on pose que la règle à l’œuvre en (3) requiert que le quantificateur soit adjacent au verbe [vouloir ou les lire dans (3)] au-dessus duquel il doit «sauter», l’hypothèse que «montée» s’applique après cette règle expliquera l’impossibilité de (5). Le sujet Pierre sera encore entre le verbe et le quantificateur tous qui ne seront donc pas adjacents et l’opération ne pourra pas s’appliquer, d’où l’impossibilité de (5).

Dans le cadre de la théorie standard étendue, les transformations en général, et «montée» en particulier, ne peuvent être des opérations aussi «riches» descriptivement. Par exemple, le fait que «montée» ne peut déplacer que le sujet d’une infinitive n’est pas une propriété que puisse coder la transformation elle-même. On posera plutôt que cela est le reflet d’une propriété générale du langage. Si cela est vrai, on pourra formuler «montée» très simplement comme «déplacer un groupe nominal».

La richesse descriptive des transformations disparaît. Techniquement, cela permet de ne pas utiliser l’ensemble des conditions d’analysibilité booléenne (seuls les connecteurs et et ou demeurent indispensables) pour les formaliser. De même on s’interdit dans ce cadre d’avoir recours à un ordre extrinsèque entre les transformations. Cela exclut que l’explication proposée plus haut pour l’impossibilité de (5) soit formulable dans le cadre de la théorie standard étendue. Ici, la richesse descriptive est transférée sur l’ensemble des conditions et contraintes que l’on pose comme générales. Supposons par exemple qu’il existe deux contraintes universelles formulables de façon simplifiée comme suit:

Contrainte du sujet spécifié : dans une phrase, seul le sujet peut être mis en relation avec un terme extérieur à cette phrase.

Contrainte des phrases à temps fini : dans une phrase contenant un verbe à temps fini, aucun élément ne peut être mis en relation avec un terme extérieur à la phrase.

On voit que l’existence de ces deux contraintes permet effectivement de simplifier grandement la formulation de «montée», qui peut être formulée «minimalement» comme «déplacer un groupe nominal». Les «mauvaises» applications de la règle (à un groupe nominal objet ou au sujet d’une phrase à temps fini) seront exclues, non pas par la formulation de la règle elle-même, comme dans la théorie standard, mais par les conditions universelles. De plus, si on considère qu’une transformation de mouvement laisse une «trace» qui continue de fonctionner comme la catégorie déplacée vis-à-vis des contraintes générales précitées, on peut rendre compte de l’impossibilité de (5) sans devoir postuler un ordre extrinsèque entre les opérations. En effet, dans (5) la «trace» du groupe nomimal sujet «monté» dans la principale continue de fonctionner comme un sujet et la condition du sujet spécifié interdira correctement que le quantificateur tous puisse être mis en relation avec une position extérieure à la phrase subordonnée. (5) ne pourra donc pas être dérivée et seule une phrase comme (6) pourra être obtenue:

(6) Pierre m’a semblé tous vouloir les lire.

La théorie standard étendue postule d’autres conditions générales et stipule une forme canonique pour l’organisation des grammaires de toutes les langues naturelles. Ce qui dans ce cadre est une composante universelle de toute description linguistique acquiert alors une spécificité et un «délié» considérables qui permettent de décrire comme relevant de cette grammaire universelle des faits qu’on aurait sans doute dû poser comme particuliers dans un autre cadre théorique. Un tel résultat est considéré comme très souhaitable puisqu’il permet, en faisant une hypothèse «réaliste» et psychologique sur la nature de cette grammaire universelle (qu’on imputera comme propriété spécifique à l’espèce humaine), d’expliquer le fait central de l’acquisition uniforme dans le temps de toutes les langues humaines.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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